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Que sont les dégénérescences frontotemporales (dont la maladie de Pick)

Individualisées pour la première fois par Arnold Pick il y a plus d'un siècle, les atrophies focalisées du cerveau auxquelles il donna son nom sont des maladies dites apparentées à la maladie d'Alzheimer mais distinctes. Les dégénérescences frontales sont des maladies neurologiques à l'origine d'une mort progressive de cellules du cerveau dans les régions antérieures à l'origine d'une atrophie localisée.

Les troubles comportementaux:

- Début insidieux et progression lente
- Négligence physique précoce (manque de soins, d'hygiène)
- Négligence précoce des convenances sociales (manque de tact, écarts de conduite telle que vol à l'étalage)
- Conduite désinhibée précoce (telle qu'une sexualité non réfrénée, des actes de violence, une jovialité inappropriée, des déambulations incessantes)
- Rigidité mentale et inflexibilité
- Hyperoralité (changement d'habitudes alimentaires, augmentation des prises alimentaires, lubies alimentaires, consommation excessive de tabac ou de boissons alcoolisées, exploration orale des objets)
- Conduites stéréotypées et persévératives (vagabondage, tics tels que frapper dans ses mains, chanter, danser, activités rituelles comme la collectionnisme d'objets, aller aux toilettes, se changer de vêtements)
- Conduites d'utilisation (exploration non réfrénée des objets environnants)
- Distractibilité, impulsivité, et impersistance
- Perte précoce de la conscience que les troubles puissent provenir d'une pathologie de son propre fonctionnement mental

Les symptômes affectifs

- Dépression, anxiété, sentimentalité excessive, idées fixes et idées suicidaires, idées fausses ("delusions"), précoces et éphémères
- Indifférence émotive, insouciance affective, manque d'empathie et de sympathie, apathie
- Amimie (inertie, aspontanéité)

Les troubles du langage

- Réduction progressive du langage (aspontanéité, économie de production)
- Stéréotypies verbales (répétition d'un petit répertoire de mots, de phrases, ou d'un thème)
- Echolalie et persévérations
- Tardivement: mutisme

La préservation de l'orientation spatiale et des praxies

maintien des capacités à gérer l'environnement

Les signes physiques

- Réflexes archaïques précoces
- Troubles précoces des conduites sphinctériennes
- Tardivement: akinésie, hypertonie, tremblement
- Hypotension artérielle et variations tensionnelles

Localisation des fonctions cérébrales

Contrairement à la maladie d'Alzheimer, dans la dégénérescence frontotemporale:
1-Les troubles du comportement précèdent les troubles mnésiques
2-L'orientation dans l'espace est longtemps conservée
3-Les patients deviennent plus facilement indifférents
4-Ils sont moins sensibles à leur présentation physique et à leur manière de s'exprimer
5-Ils reconnaissent beaucoup plus longtemps leurs proches
6-Ils ne perdent pas autant de poids
7-La maladie survient à un âge plus jeune

Comment se présentent ces patients à la consultation Présentation :

La présentation d'un patient DFT se distingue parfois déjà de celle des autres consultants dans la salle d'attente:
- il peut adresser la parole aux voisins,
- faire des commentaires,
- des propositions et des gestes déplacés,
- faire irruption dans le bureau de consultation avant son tour.
Pendant la consultation, le patient écoute les plaintes du conjoint sans en paraître affecté (ou au contraire, se met en colère et quitte la pièce). Il est distractible par toute stimulation, il explore l'environnement, peut lire à haute voix le titre d'une affiche.

Parfois il se lève, va regarder par la fenêtre, se rassoit. Il cherche à lire les notes, manipule tous les objets sur le bureau. Il se permet quelques jeux de mots, interroge le médecin sur sa vie personnelle. Parfois il a des stéréotypies gestuelles. D'autres patients sont figés, aréactifs.

Quelques uns paraissent inquiets, méfiants, comme apeurés. Certaines femmes s'habillent avec des couleurs voyantes, un maquillage et une teinture de cheveux excessifs alors que la propreté de leurs ongles, de leurs cheveux et de leurs vêtements est douteuse.

Entretien médical:

Le patient n'a pas de plainte cognitive spontanée. En revanche, il peut avoir une plainte somatique (céphalées, troubles digestifs...) ayant souvent conduit à des explorations négatives.

Certains patients reconnaissent une modification de leur conduite et de leurs émotions, un manque de goût et des oublis dans la vie quotidienne mais ne s'en plaignent pas et paraissent y être indifférents. L'accompagnant confirme le désintérêt du patient pour autrui, pour ses affaires familiales et professionnelles et souvent pour lui-même. Il manque d'initiative, néglige ses responsabilités ce qui peut conduire à une mauvaise gestion des affaires domestiques et financières et un déclin des performances professionnelles. L'affect est toujours superficiel et les patients perdent toute empathie. Ils s'exaltent, pleurent ou embrassent de façon inappropriée.

Certains patients peuvent avoir des courts moments de "dépression" intense avec des idées suicidaires. L'accompagnant signale parfois des rites exaspérants: les patients prennent des habitudes qu'ils respectent scrupuleusement. Ils les réalisent à heure fixe. Certains patients collectionnent les objets, souvent les plus banals. Les rites ou le collectionnisme ne sont pas sous-tendus par une quelconque anxiété et ne semblent pas les détendre. Cependant, s'ils sont empêchés de les réaliser, les patients peuvent devenir agressifs, violents.

L'accompagnant peut également signaler que les patients deviennent grossiers, se tiennent mal à table, mangent bruyamment et goulûment. Il y a, dans 90% des cas une modification des habitudes alimentaires et orales: tabagisme, alcoolisation excessifs, grignotage, appétence pour des aliments particuliers, gloutonnerie, pouvant s'accompagner d'une prise de poids.

Un risque est d'attribuer les troubles de comportement à la prise de boissons alcoolisées, alors que celle-ci est un symptôme de DFT. Beaucoup de patients ont une instabilité motrice telle qu'ils déambulent énormément, pouvant parcourir des kilomètres d'affilée. En général, ils se fixent une route (ou un objectif) et ne s'arrêtent plus. Ils ne se perdent pas bien qu'ils puissent se retrouver à des dizaines de kilomètres de leur domicile. Ces « fugues » sont parfois prises à tort pour une désorientation spatiale, surtout si leur motif n'est pas expliqué ou absurde. Une autre circonstance pouvant porter à confusion avec une désorientation spatiale est la distractibilité et les troubles du jugement.

Les symptômes psychotiques comme les hallucinations et les illusions sont exceptionnels, bien que des cas aient été diagnostiqués schizophrénie (dégénérescences aspécifiques). Certains ont des idées délirantes. Les troubles du sommeil peuvent se voir à type d'insomnie souvent calme. La mémoire est toujours déficiente mais cette plainte n'est pas toujours mise en avant et parfois attribuée aux troubles attentionnels et au désintérêt. Les habiletés spatiales se maintiennent, ce dont témoignent certains rites qui perdurent longtemps comme de plier soigneusement un mouchoir.

L'environnement est bien géré: il n'y a pas de difficultés pour l'utilisation des objets, ou l'habillage. Il peut toutefois y avoir des difficultés dans la manipulation de l'argent. Il est parfois fait état de pertes des capacités à cuisiner ou à coudre mais dans notre expérience, il s'agit toujours d'une incapacité à programmer ou d'une instabilité motrice telle qu'elle empêche toute activité suivie. Les modifications comportementales ne sont pas sans conséquences dans la vie quotidienne. Des transgressions sociales sont à déplorer. Les patients peuvent uriner et déféquer n'importe où bien qu'ils ne soient ni désorientés dans l'espace, ni apraxiques. Ils conduisent vite et sans respecter la signalisation. Ils "omettent" fréquemment de payer leurs achats ou leurs consommations, sont familiers avec les enfants. Ils font des réflexions et des propositions inconvenantes, dans le registre sexuel, y compris devant le conjoint. Certains sont violents. Les troubles du jugement, la rigidité et l'inflexibilité de la pensée sont caractéristiques.

Quel bilan réaliser ?

-Une évaluation des troubles du comportement et une quantification avec l'échelle de dysfonctionnement frontal (EDF)
-Un bilan neuropsychologique
-Une IRM ou à défaut un scanner sans injection
-Parfois un EEG
-Parfois une débitmétrie cérébrale


Source : Site de André Delacourte - Equipe VCDN